Les contenus du Web sont à la libre disposition de tous selon le directeur de l’IA de Microsoft
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Une interview récente avec le directeur de l’IA de Microsoft, Mustafa Suleyman, s’avère particulièrement révélatrice au regard du cadre légal international. Pour paraphraser ses déclarations : tous les contenus en libre accès sur le Web pouvaient être copiés, reproduits et édités.
Dans une interview avec la chaîne de télévision américaine CNBC, M. Suleyman, qui selon ses propres dires s’engage pour la sécurité et même l’éthique de l’intelligence artificielle depuis 15 ans, a pris position au sujet de nombreuses problématiques en lien avec l’IA.
Une utilisation de ressources (in)équitable
À cette occasion, il a été évoqué que les grands modèles d’intelligence artificielle ont été entraînés avec des contenus protégés par le droit d’auteur (ce que l’on appelle la « propriété intellectuelle ») sans que les auteurs ou autres détenteurs de droits aient explicitement accordé de droits d’exploitation pour ce faire. Il a donc été demandé à M. Suleyman si on pouvait considérer qu’il y avait eu vol de cette propriété intellectuelle de la part des acteurs de l’IA.
Traduit librement, ce qu’a expliqué en substance l’expert de Microsoft, c’est que règne un consensus depuis les années 1990 au regard des contenus en ligne, à savoir que toute copie, reproduction ou édition de ces derniers constitue un cas de « fair use », d’utilisation équitable.
Selon M. Suleyman, il existe en principe une autre catégorie couvrant les sites Web, éditeurs ou médias autorisant expressément la récupération systématique de contenus (« scraping », en anglais) uniquement à des fins d’indexation. Il s’agirait cependant à ses yeux d’une « zone grise » sur laquelle les juridictions seront appelées à trancher.
Dans un contexte où le quotidien New York Times poursuit en justice les entreprises OpenAI et Microsoft pour avoir entraîné ChatGPT avec de nombreuses publications du célèbre média, l’expert de l’IA de Microsoft s’imagine encore dans les années 1990.
Un cadre juridique mondial
Circonstance aggravante : la dimension mondiale de cette problématique et des droits afférents est ignorée, puisque la solution proposée par OpenAI est disponible partout sur la planète est que Microsoft est un acteur mondial clé.
Traduction : ce qui est peut-être un cas de « fair use » aux États-Unis n’est pas forcément conforme au droit européen. De même, le fait de placer les pratiques commerciales telles qu’exercées par OpenAI dans une « zone grise », pour reprendre l’expression employée par M. Suleyman, semble pour le moins problématique du point de vue éthique. Le concept de droit d’auteur est mu par un principe clair, à savoir que l’auteur détient l’ensemble des droits sur son œuvre. Lui seul peut utiliser son œuvre sous forme matérielle.
Alors qu’un certain nombre de questions en lien avec le droit d’auteur restent encore en suspens, le fait est que les modèles d’IA reproduisent des données tant à l’étape du préentraînement que de l’ajustement des modèles (ou « fine-tuning », en anglais). Puisque cette reproduction va généralement au-delà d’un usage temporaire, il faudrait que celle-ci fasse l’objet d’une autorisation. Si le titulaire des droits correspondant n’a pas consenti à l’utilisation de son œuvre, le seul cas de figure reste celui des exceptions prévues par la loi. Il se peut, dans le cadre de l’entraînement de l’IA, que la reproduction d’œuvres nécessaire à l’analyse automatisée de ces dernières soit permise, à condition que le titulaire des droits n’ait pas expressément limité ce type d’utilisation. L’accès à ces contenus doit alors avoir été effectué de manière légale et les données doivent être supprimées une fois l’entraînement terminé. Le titulaire des droits peut toujours s’opposer à cette utilisation par voie de réserve (« opt-out », en anglais).
Qu’importe le droit ?
Il faut dire que les propos de l’expert de l’IA de Microsoft sont loin d’être aussi nuancés. Ce qu’il postule en bloc, c’est que tout contenu public est librement utilisable, inversant ainsi le principe de protection prévu par le droit d’auteur et le rapport de l’exception à la règle. Le concept américain de « fair use » se voit alors étendu à tous les contenus publiquement accessibles. Et le tout se fait de son propre aveu dans une zone grise et visiblement en adéquation avec les idéaux éthiques de l’entreprise.
Si tel est le cas, est-ce que cela ne vaut pas également pour les contenus Microsoft ? Cela s’appliquerait alors notamment aux images virtuelles disponibles sur le Web telles que Windows, Office et Teams. Le fait de pouvoir copier et éditer n’importe quelles données de Microsoft ne serait sans doute pas dans l’intérêt du géant du numérique. Et pourtant, l’expert de l’IA n’explique pas pourquoi les mêmes règles ne s’y appliqueraient pas.
Autre facteur notable : ce ne sont pas des utilisateurs qui « consomment » les contenus librement disponibles sur Internet à titre individuel, mais OpenAI, une entreprise dans laquelle Microsoft a investi des milliards de dollars, qui a mis en place un véritable commerce international sur la base de données de tiers exploitées sans l’autorisation de ces derniers.
Dans ce scénario, nul n’est surpris de savoir ce qui domine : les intérêts commerciaux et la loi du plus fort. Le respect du droit d’auteur et des principes éthiques compte pour du beurre. Les incertitudes juridiques sont tout simplement ignorées, puis unilatéralement tirées dans le sens qui convient le mieux à l’acteur en question. Aux personnes concernées de s’engager dans la voie des tribunaux, un chemin difficile et, dans le cas des États-Unis, extrêmement coûteux. C’est en tout cas la vision de M. Suleyman. En attendant, ces pratiques continuent à avoir cours, mettant les acteurs devant un fait accompli.
Une vision prédominante de Microsoft
La position de l’expert de l’IA de Microsoft et les pratiques correspondantes d’OpenAI sont un reflet fidèle des agissements du géant américain du logiciel par ailleurs.
La Commission européenne enquête contre Microsoft en raison de la vente de Teams sous forme de pack Office, ce qui reviendrait, selon le constat préliminaire, à une position dominante de la part de Microsoft. Malgré tout, son président, Brad Smith, reste serein.
L’acte d’accusation de l’autorité européenne de la concurrence ne mènera pas forcément directement à la résolution du problème, selon lui. Manifestement, les ordres du plus haut gendarme de la concurrence ne servent que de point de départ aux négociations. Compte tenu de sa position sur le marché, le groupe américain croit visiblement s’inscrire dans un cadre juridique mondial qui prime sur la souveraineté régionale et qui peut être modifié en fonction de ses envies et de ses intérêts.
C’est là une position qui devrait mettre en garde les clients. Le président de Microsoft et l’expert de l’IA sont sur la même longueur d’onde. Le géant américain ne se prive ni d’abuser de sa position dominante ni d’exploiter des contenus rédactionnels à ses propres fins commerciales, pour ensuite invoquer des convictions des années 1990 par le truchement de l’expert de l’intelligence artificielle lorsque cela l’arrange.
Ma conclusion : clients de Microsoft, protégez votre propriété intellectuelle !
On ne peut pas considérer que la sécurité des données des clients soit une priorité pour l’éditeur américain, comme l’a révélé une série de piratages de Microsoft Cloud qui n’ont même pas fait été communiqués en bonne et due forme. De même, Microsoft se préoccupe visiblement peu de la propriété intellectuelle de tiers, tant que les actions en question ne sont pas expressément illégales. L’attitude d’OpenAI et sa légitimation par Microsoft montrent bien que des technologies et la position sur le marché sont exploitées pour déclarer légale et gratuite toute pratique parce que cela les arrange, le tout, en faisant fi de la clarté juridique et de l’éthique, voire de la décence.
Dans ce contexte, les clients feraient bien d’éviter la combinaison de l’IA et des entreprises à but lucratif qui se sont fait remarquer par ce type de positions et d’agissements. Quelle garantie y a-t-il à ce que les informations saisies dans des chatbots ou même des fonctionnalités du système telles que Microsoft Recall respecteront la confidentialité des données et la protection dont bénéficie en principe la propriété intellectuelle? Dans le pire des cas, si tout manquement était mis au jour, il suffirait de le présenter comme un nouvel incident de sécurité d’une série déjà longue. Toutefois, une fois que les données ont été exploitées, il n’y a plus de retour en arrière possible. Avant de donner accès à ses données, on ferait donc mieux de bien comprendre les intentions du prestataire en question.
Andreas E. Thyen, économiste diplômé, réitère depuis des années sa mise en garde: « La dépendance vis-à-vis de Microsoft a des proportions insoutenables en Europe depuis des décennies. Les déclarations de l’entourage de Microsoft au regard de la possibilité de négocier sur le droit européen de la concurrence et plus particulièrement de la protection garantie par le droit d’auteur devraient nous alerter. Les communications en la matière font apparaître que le droit applicable et la création sont pris à la légère. En actionnant le levier de l’IA au lieu d’en revenir aux principes européens fondamentaux tels que le libre commerce de licences perpétuelles, les clients pourraient ouvrir la voie vers le niveau ultime de dépendance. »
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